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           « L‘Espace Intérieur du Monde »

         Le travail d’Olivier Escarguel

 

 

 

Ecrivain, photographe et voyageur au long cours, Olivier Escarguel est aussi analyste politique.

Il a d’abord travaillé dans le domaine du conseil et de la formation, et parallèlement obtenu un doctorat en relations internationales. Puis, après un temps d’hésitation, il a résolument orienté son énergie, son travail et toutes ses ressources vers une œuvre artistique ambitieuse qui révèle un grand intérêt pour les personnes avec une profondeur qui n’a, au fil du temps, cessé de croître.

En bon nomade, il a passé la plupart de ces dix dernières années à sillonner le monde, appareil photo en main et a constitué un corpus d’images d’une variété exceptionnelle d’un triple point de vue artistique, humaniste et anthropologique. Il va ainsi dans les villes et dans les campagnes, aussi bien au cœur des mégapoles comme aux lieux les plus retirés et les plus déserts. Partout, le principe est le même : rencontrer l’autre et le photographier, le rencontrer dans sa simple vie quotidienne, sans préjugés et sans fard, comme on visite un familier depuis longtemps connu. Au fil des rues et des chemins, des corps, des visages, des intérieurs et des décors deviennent les images d’un véritable atlas humain. On y retrouve des groupes plus ou moins nombreux, des identités plus ou moins menacées, des êtres tous inconnus dont la beauté souvent transcende l’apparente inanité de leur existence.

Le présent est là : mélancolie des regards, pauvreté et richesse des objets alentour qu’une lumière faiblement irise, symbolique des feuilles de journaux, des pages de revues, des dessins d’enfants, des fleurs séchées qu’on accroche au mur, souvenirs immédiats ou lointains de la vie qui passe. Un rien, parfois un trois fois rien, offre la matière d’une photo. C’est là, dans les anonymats les plus indécelables, qu’Olivier Escarguel cherche et trouve la raison qui le pousse à aller plus loin. Toutes ces vies, tous ces paysages sont l’âme d’un monde dont la beauté, souvent heurtée, chahutée, enlaidie, demeure

La poésie de sa route est naturelle, d’abord fondée sur une expérience littéraire adolescente et poursuivie jusqu’à aujourd’hui. Elle donne naissance à un monde en soi, à une expérience que chaque nouveau voyage amplifie, à une œuvre qui, tout à la fois, modeste et ambitieuse, promet de ne jamais se tarir. Nous sommes désormais dans un déploiement où le travail déjà effectué et celui qui est en train de se faire sans cesse se répondent. Ainsi, la figure d’un vétéran de l’Armée Rouge enfilant son vieil uniforme sur les rives du lac Baïkal (2015) illumine le portrait d’un vieil homme de San Basilio de Palenque en Colombie (2008) comme il préfigure les images à venir, les visages à débusquer, les cœurs encore à connaître.

Conçu et mis en œuvre de telle sorte, le propos est simple, il n’a aucune limite de lieu, aucun préjugé, aucune borne particulière. Pour le photographe-écrivain-voyageur, passer les frontières est l’occasion renouvelée de découvertes ou de redécouvertes qu’il partagera, d’approfondissement dont il témoignera. Il y a, dans la continuité des va-et-vient, ce désir d’enrichissement et de dévoilement qui modèle sa course, rencontrer et donner à voir, sans lassitude. L’Amérique du sud, le Moyen-Orient, l’Asie ou l’Afrique prennent forme à chaque moment et peuvent parfois se décliner à travers un pays en particulier.

En Colombie, où il va chaque année depuis 2008, il a entrepris de photographier la multitude des peuples d’indiens – il y en a une centaine - , les habitants des rues de Bogota, des populations de « desplazados » - personnes déplacées par le conflit qui ensanglante le pays depuis des décennies – ainsi que les afrodescendants ou les populations paysannes de toutes les latitudes. Il observe là-bas cette diversité humaine si précieuse et donne également libre cours à son intérêt pour l’observation sociale, culturelle et politique en préparant un ouvrage d’analyse du pays. Il voudrait aussi que ce travail là, soit la matrice particulière pour l’ébauche de projets d’aide aux uns ou aux autres (deux ou trois tribus d’Indiens, « déplacés », indigents des rues…)

Dans les Emirats Arabes Unis qu’il visite régulièrement depuis 2010, il aime à satisfaire sa fascination pour le monde arabo-musulman, son goût pour un Islam pacifique et accueillant comme son intérêt pour les contrastes divers qui parcourent ce petit pays situé au croisement d’un grand nombre d’influences culturelles et politiques. La foule des Indiens, des Pakistanais, des Philippins, des populations de tous pays arabes, des Africains ou des Occidentaux illustre l’image d’une Babel moderne au confluent de plusieurs mondes. Ce travail plus spécifique se poursuit ensuite dans les alentours immédiats, dans le sous-continent indien ou dans le monde arabe.


Entre particularismes et goût de l’universel, entre la mémoire qui transcende la somme des souvenirs et les identités renouvelées, Olivier Escarguel nous offre la vision d’un monde contrasté, au-delà de la mondialisation et de la nostalgie des paradis perdus. L’œuvre est poétique et réaliste, anthropologique et sociale, elle est la multiple illustration de temps et d’espaces qui, dans ce 21ème siècle bien entamé, se chevauchent et s’entrecroisent. Elle est par là animée d’un esprit positif tourné vers l’avenir et représentatif de valeurs qui traversent bien des institutions et des pays, hors tendance politique ou religieuse particulière. Fête, en quelque sorte, d’une certaine idée de l’universel, elle répond à ces idéaux qu’elle fédère et magnifie.


Mais chez le photographe, la littérature qui fut première n’est jamais absente. Par l’écriture, il a depuis longtemps décidé d’accéder à tous les genres. Si la poésie fut et reste son domaine de prédilection, le théâtre, les récits de voyage, les histoires courtes ou les nouvelles sont aussi très présents. Quant aux romans, ils sont encore en cours de gestation. Cet ensemble littéraire mûri dans le secret et le silence et encore jamais présenté à aucun éditeur, est pour l’essentiel prêt à sortir de l’ombre. Si l’aide matérielle demandée n’a pas trait à ce travail là, il ne fait aucun doute qu’un appui conséquent à son activité photographique lui permettrait de finaliser l’ensemble et de postuler auprès de nombreux éditeurs.


Il a par ailleurs depuis quelques années commencé à exposer partie de ce travail. Ce passage nécessaire ne s’est pas fait sans mal ni sans contraintes. Il s’est lui aussi accompli grâce à certains concours précieux mais demande aujourd’hui pour aller plus loin une participation plus conséquente. La plupart de ces expositions a été le fruit d’un véritable travail formel et conceptuel et il est possible de penser que certaines sont déjà la trame d’un livre et d’éventuelles collections. En effet, les photos sont données à voir et avec elles, des textes sont donnés à lire. Ni commentaire, ni traduction littérale des images - des explications sont données par ailleurs -, ils sont la continuation en paroles, de l’esprit qui anime les photos.


Ainsi, l’intention initiale s’est partout déployée, voyage après voyage, avec un sens et une cohérence qui rendent les virées ultérieures indispensables. L’œuvre est encore en chemin, pleine mais partielle, aboutie mais insuffisante. Cet élan profondément humaniste demande à être poursuivi et avec lui ce qui l’autorise et le conditionne, en dehors des modes et des compromissions, loin des standards parfois imposés. Ce travail est, une fois encore, à la fois réellement personnel et complètement universel. Il peut de ce fait, atteindre tous les cœurs et toutes les sensibilités.
 

Défi au temps, aux multiples contraintes matérielles qui limitent les élans, défi au doute, aux préjugés, à la modernité incomprise, ce projet est une réponse qui rassemble la multitude des identités et souligne la sublime harmonie qui les unit. Nous sommes là loin de tout esprit d’uniformité, des conventions et des obligations qui en découlent qu’elles soient économiques, sociales ou culturelles. Au contraire, en transmettant toutes ces valeurs si diversement rencontrées, il met en lumière les contrastes, les impasses, les vies anciennes et les questions nouvelles avec en filigrane, une interrogation majeure sur l’avenir et ce qui le fonde.
 

Ce travail n’est pas exhaustif et ne saurait l’être. Tâche impossible. Cependant c’est en embrassant le monde dans toute sa diversité qu’il se fait le mieux comprendre. Il est, de fait, au cœur de la condition humaine et de tous les questionnements que cela implique, profondément, et une invitation à la contemplation, à la compréhension de notre époque, un jalon déposé qui renvoie à des concepts nombreux comme ceux d’écologie globale ou de développement au service de l’homme. Il est une profonde révérence à la beauté de notre monde qu’il continue à révéler dans une inquiétude et une confiance chaque jour répétées.

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